La série Sex Education : briser les tabous

Publié le : 30 mars 202312 mins de lecture

Les séries pour adolescents sont ces produits typiques que nous aimons quand nous sommes jeunes et dont nous avons honte quand nous sommes adultes. Et la vérité est que d’innombrables titres pourraient être inclus dans cette catégorie, certains plus réussis que d’autres, mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un genre exploité sans fin. Les jeunes consomment des séries et les séries sont faites pour eux, mais le temps a pesé sur les thèmes et il n’y a pas grand-chose à raconter. C’est du moins ce que nous pensions, jusqu’à l’arrivée de la série britannique Sex Education.

Les jeunes sont-ils bien informés sur les questions sexuelles ? Les films et les séries représentent-ils la réalité ? Sex Education est une série qui ose parler ouvertement des préoccupations des jeunes – et des moins jeunes – en matière de sexe.

Les séries pour ados et les clichés

Le problème avec ce genre de série est qu’elle se nourrit d’archétypes qui ont déjà été trop explorés : le garçon sportif, le populaire, la jolie fille, le garçon gay, les nerds, etc. Les thèmes ne laissent pas non plus beaucoup de place à l’imagination : les relations amoureuses, les problèmes familiaux, le harcèlement scolaire… Dans les années 2000, inclure un personnage gay aurait peut-être été quelque chose de nouveau, mais de nos jours, c’est plus que prévisible.

Sex Education n’échappe pas non plus aux archétypes, mais elle propose quelque chose que, jusqu’à présent, nous n’avions pas vu dans une série pour adolescents : l’éducation sexuelle. Il faut ajouter que la plupart des séries pour adolescents ont tendance à tomber dans le mélodrame. On se souvient, par exemple, de Thirteen Reasons Why, dont la première saison a connu un grand succès pour avoir abordé le sujet du suicide d’un adolescent, mais qui est finalement devenue une série dramatique pour adolescents comme les autres.

Ce n’est pas que les idées ne sont pas bonnes, c’est juste que nous savons déjà que l’adolescence est une phase difficile et pleine de changements. Pourquoi ne pas rire un peu de tout cela ? Pourquoi ne pas rire de notre moi d’adolescent ? Sex Education réussit non seulement à briser les règles, mais aussi à aborder l’adolescence sous un angle plus humain et, bien sûr, comique.

AVERTISSEMENT : Cet article peut contenir des spoilers.

Sex Education : un autre point de vue

La série britannique a rassemblé un bon nombre de téléspectateurs depuis sa première en janvier 2019. C’est une série qui captive les adolescents, mais aussi le public adulte. Loin de se concentrer sur les intrigues amoureuses et une adolescence très stéréotypée, elle prend une direction différente et le résultat est une série divertissante, ironique et, en même temps, éducative. Le regard critique sur la société et, principalement, les questions de sexualité se manifestent également dans Sex Education.

L’intrigue tourne autour d’Otis (Asa Butterfield), un adolescent qui passe complètement inaperçu dans son école, étant presque invisible. Cependant, Otis n’est pas gêné par son invisibilité, il aime passer inaperçu et préfère vivre tranquillement. Ce n’est pas le cas de son meilleur ami, Eric, un jeune homme qui veut se distinguer et devenir populaire, mais qui subit des brimades. Nous pouvons voir Eric comme l’archétype du garçon gay dont la famille – d’origine africaine – est très traditionnelle et qui a peur de révéler sa véritable identité.

Mais Sex Educationse charge de rompre avec cette idée, en nous présentant un père qui, malgré ses valeurs, finira par accepter et aimer son fils tel qu’il est. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment certains personnages adultes bien positionnés n’échappent pas aux préjugés.

Nous le voyons dans la propre mère d’Otis, qui, bien qu’étant une femme indépendante et ouverte d’esprit, est extrêmement contrôlante envers son fils. Il en va de même pour Groff qui, bien qu’il ait une bonne position sociale et qu’il soit le directeur d’une école, laisse beaucoup à désirer en tant que père.

Quelque chose de similaire se produit avec Jackson, le garçon populaire et sportif. Jackson vient d’une riche famille homoparentale, ce qui nous laisserait penser que, chez lui, il n’y a pas de problèmes. Cependant, il se retrouve sous une énorme pression et est obligé de rivaliser et d’être le meilleur en natation.

Sex Education nous montre que l’adolescence n’est facile pour personne et que, parfois, les préjugés n’ont rien ou presque à voir avec notre position sociale ou notre origine.

De l’autre côté, nous rencontrons Maeve, une jeune femme qui a dû mûrir très rapidement et très tôt. Elle vit dans une caravane sans le soutien de sa famille et, contre toute attente, est une étudiante brillante. Bien sûr, beaucoup de ces personnages n’échappent pas aux archétypes, mais la vérité est que l’approche est un peu différente.

Tous les adultes et tous les étudiants ont des insécurités et des peurs ; ils portent des masques pour se protéger. Sex Education traite ses personnages avec respect, présente chacun d’eux avec soin et détail, nous aidant à comprendre la complexité de leurs réalités.

Sex Education : parlons du sexe dans la série

Oui, les personnages sont très bien détaillés et brisent les stéréotypes, mais ce qui est important, ce qui est vraiment fondamental, c’est le sexe. Les jeunes sont-ils bien informés ? À une époque où les informations sont entre nos mains, on pourrait penser que chaque adolescent sait parfaitement tout ce qu’il y a à savoir sur le sexe. Cependant, Sex Education montre l’autre facette de cette société, celle où le sexe est idéalisé et où, parce qu’ils croient tout savoir, d’autres questions fondamentales sont mises de côté.

Otis a appris tout ce qu’il doit savoir grâce à sa mère â une sexologue professionnelle. Fort de ces connaissances, il sera chargé de devenir le sexologue de son lycée car c’est le mieux placé pour parler de sexe aux ados. Les scènes de sexe sont assez explicites et, en même temps, comiques.

Nous voyons des adolescents peu sûrs d’eux qui ont appris grâce à l’Internet, mais dans la vie réelle, le sexe n’est pas le même que sur l’écran. La première scène est déjà très révélatrice : un jeune homme simule un orgasme. Oui, c’est un homme, pas une femme.

Le cinéma présente souvent des scènes de femmes simulant des orgasmes, comme si elles seules pouvaient le faire. Combien d’hommes avons-nous vu dans cette situation ? Probablement aucun ou très peu. Cette scène d’ouverture suggère déjà un acte de rébellion, elle dit d’emblée que la série traitera du sexe sans restrictions ni tabous.

Sex Education, comme son nom l’indique, est un cours d’éducation sexuelle, mais il est enseigné par l’ironie et la comédie. Plus que d’éducation, on peut parler de normalisation ou de sensibilisation.

Les adolescents dont les hormones montent en flèche devront affronter leurs peurs et leurs insécurités, apprendre à s’aimer, mais aussi apprendre à s’amuser seul et en couple. Nous le voyons lorsqu’ils montrent une jeune femme qui ne s’est jamais masturbée auparavant, montrant clairement qu’il existe encore un certain tabou par rapport à la masturbation féminine. Ce faisant, la jeune femme apprend à connaître son propre corps et, par conséquent, apprend aussi à prendre du plaisir avec son partenaire.

Les consultations d’Otis portent sur toutes sortes de sujets, mais avec un fil conducteur : briser le tabou et montrer la réalité. L’idée de la première fois idyllique et fascinante appartient désormais au passé. D’autre part, la pornographie propose un idéal difficile à atteindre et très éloigné de la réalité.

Si nous prenons l’une de ces deux idées comme référence, le résultat sera probablement catastrophique. Cela ne veut pas dire que la pornographie ne doit pas être consommée, mais nous devons informer les adolescents que ce qu’ils regardent n’est rien de plus qu’une fiction. De même, la première fois peut être belle, mais le sexe s’apprend aussi avec le temps.

Otis est un expert des questions théoriques, mais il est vierge et ne peut pas se masturber. D’autre part, nous trouvons des personnages comme Eric, qui aime porter du maquillage, du vernis à ongles et des vêtements que nous associerions souvent aux femmes.

En même temps, nous avons une jeune fille obsédée par les bandes dessinées érotiques extraterrestres, qui meurt d’envie de perdre sa virginité. La variété des personnages est immense, mais c’est un échantillon de la pluralité de la réalité, des différentes expériences qui peuvent se produire autour du sexe, surtout à l’adolescence.

L’adolescence est la période de l’éveil sexuel, ce premier « appel » et les premières expériences. Connaître son corps et ses goûts est essentiel, mais dans la pratique, ce n’est pas si simple. Elle crée des carrefours tels que la cyberintimidation, les dangers d’Internet et du contenu que nous partageons, elle parle de sororité, donne une visibilité aux questions de genre et se moque de tout. La série ose même parler de l’avortement, un avortement normalisé et conscient.

Maeve est trop jeune pour être mère, sa situation familiale et financière est totalement instable et elle ne pourra pas garantir un avenir à son enfant ; elle décide donc d’avorter. À la porte de la clinique, nous rencontrons un couple qui proteste contre cette décision, mais ils finiront par parler à Otis et trouver un accord. Bien sûr, le couple et Otis conservent leurs idées et ne vont pas les changer facilement, mais grâce au respect et au dialogue, ils parviennent à maintenir un débat.

De la même manière, les rôles de genre sont éliminés. Eric veut aller voir Hedwig and the Angry Inch en costume, une comédie musicale qui traite des questions de transsexualité et de travestissement. Otis est son meilleur ami et, bien qu’il soit hétéro, il n’hésite pas à se déguiser lui aussi, rompant ainsi avec le cliché selon lequel le travestissement est réservé aux homosexuels.

C’est une série totalement nécessaire, dont nous pouvons tirer des leçons, que nous soyons jeunes ou adultes. Le ton humoristique aide à retenir l’attention du téléspectateur et à briser la glace sur les questions de sexe. Bien que nous soyons au 21e siècle, le sexe est encore quelque peu tabou. Après tout, le sexe n’est pas un sujet dont on parle tous les jours, et il n’est pas facile pour de nombreux parents ou éducateurs d’avoir une conversation vraiment constructive.

Même les adultes les plus expérimentés ne savent pas tout sur le sexe, et il n’est pas facile de se mettre à la place des plus jeunes. Pour toutes ces raisons, la série devient un programme particulièrement divertissant, qui fait tomber les barrières sociales et appelle à la communication et à la compréhension. Chaque personnage vit sa sexualité du mieux qu’il peut, en apprenant et en découvrant. En bref, Sex Education embrasse les gens, les différences, le rire et, surtout, le dialogue.

Vous êtes qui vous êtes. Ne laissez personne vous dire le contraire.

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